Au-delà de l’écriture : L’histoire vraie derrière « Le Prophète »
- Denis Boucher
- 23 juin
- 5 min de lecture
Accrochez-vous, car vous allez dire que je suis fou. Bien sûr, Le Prophète est une histoire romancée. Elle débute avec Antoine, âgé de quatre ans, un jeune garçon espiègle et curieux.
Les mauvais coups, il en commet plus que la normale. Mais arrive le jour, où sa témérité le place dans une situation risquée.
Il veut traverser l’allée qui donne sur la cour arrière de l’immeuble à logements où il habite.
Sur sa gauche, une voiture approche. Il évalue s’il a le temps pour traverser. Il pense que oui et se lance. Mauvais calcul, la voiture (un tank de l’époque des années 60) le heurte. Il est soulevé dans les airs, sa tête frappe le capot, il est projeté vers l’avant et tombe sur le dos devant la voiture.
Juste avant que le monstre d’acier ne l’écrase en passant sur lui, il entend une voix qui lui dit : « Lève tes jambes, Antoine. » Elles répondent d’elles-mêmes et ses pieds s’accrochent au pare-chocs. La Voix vient de lui sauver la vie.
Cet événement se déroule en 1968.
Cinquante-sept ans plus tard, j’ai entre les mains le livre de Stephen King : Écriture, Mémoires d’un métier. Dans celui-ci, il raconte son histoire, fournit des conseils passionnants sur l’écriture et explique comment il trouve les idées pour ses livres.
J’arrive à la section où il parle des personnes (réelles) et des situations, dont les liens faits entre eux, ont conduit à la genèse de l’idée de son premier livre à succès, Carrie.
À ce moment, je me pose la question : « Et qu’est-ce qui se serait produit, si la voix était restée présente dans ma vie ? »
Vous vous demandez ce que je raconte là, n’est-ce pas ? En fait, le récit de l’accident d’Antoine raconte en détail ce que j’ai vécu en 1968, la voix incluse.
Au cas où je doive préciser, au moment où je me suis retrouvé sur le dos devant le tank qui s’apprêtait à me broyer, j’ai entendu dans mon oreille droite une voix d’homme qui a dit : « Lève tes jambes Denis. » Je n’ai rien eu à faire. Comme si elles possédaient leur volonté propre, mes jambes se sont soulevées, mes pieds se sont coincés, je ne sais comment sous le pare-chocs et la voiture m’a traîné, le dos sur la gravelle, sur quelques mètres, le temps nécessaire pour me défaire d’une grande partie de ma peau. Mais je suis toujours vivant.
C’est le seul moment dans ma vie où j’ai entendu La Voix. Comment Stephen King a-t-il fait resurgir un tel souvenir et pourquoi je me suis posé la question : « Et qu’est-ce qui se serait produit, si la voix était restée présente dans ma vie ? », je n’en ai aucune idée. Mais, l’impact fut fulgurant. En une fraction de seconde, le livre existait dans mon esprit. Il suffisait de le mettre sur papier.
Le titre Le Prophète s’est imposé de lui-même. En fait, c’est le personnage de la grand-mère d’Antoine qui en est à l’origine. Antoine annonce la mort imminente de son grand-père, il meurt comme prédit, et au « salon funéraire », grand-mère affirme haut et fort que son petit-fils est un prophète.
La rédaction du livre m’a ramené au cœur des années glorieuses de ma jeunesse. Les années 60 et 70 se voulaient très différentes de notre monde « moderne ». Pas de téléphone portable, pas d’ordinateur : nous écrivions sur du papier. Nous ne le savions pas encore, mais la religion, qui exerçait toujours son pouvoir, perdrait de son emprise en quelques années.
Je me souviens de la « lenteur » de cette époque. Tout me paraissait calme et parfaitement rythmé. Le matin, ma mère me préparait mon déjeuner. Elle m’aidait à enfiler mon sac à dos en cuir, dont les sangles minces et étroites me donnaient l’impression qu’elles me traversaient les épaules (rien qu’à y penser, je me souviens de son odeur), et elle me disait qu’il était temps de me rendre à l’école. Sur la route, je rencontrais des amis, nous jouions dans la cour d’école jusqu’à ce que les religieuses viennent nous chercher afin d’entrer.
En ces temps lointains, la peur d’avoir peur n’avait pas encore été inventée. À la lecture de
Le Prophète, vous comprendrez que l’insouciance de l’époque offrait des plaisirs bannis aujourd’hui. Ce que nous percevions comme des moments de bonheur éveilleraient de nos jours une terreur profonde.
Je me souviens que ma mère a raconté à mon neveu que, dès l’âge de trois ans, je partais à pied pour me rendre seul chez mes grands-parents qui restaient un pâté de maisons plus loin. Elle avait au préalable appelé mes grands-parents qui me surveillaient de leur balcon.
En entendant cette histoire, mon neveu s’est décroché la mâchoire de surprise et a dit : « C’est incroyable, l’oncle Denis avait plus de liberté à trois ans que moi durant mon adolescence. »
La peur d’avoir peur a transformé le monde.
Cette époque proposait aussi des petites joies oubliées. Mon père nous emmenait souvent faire un tour en voiture. Nous partions à l’aventure vers on ne sait où. Le calme, la lenteur, l’insouciance, l’absence de trafic, quel souvenir incroyable.
Aujourd’hui, il y a toujours un écolo quelque part pour vous rappeler que brûler de l’essence pour rien détruit la planète. Je leur rappelle alors que l’achat du modèle de téléphone mobile le plus récent cause bien plus de dommage que cette tradition familiale empreinte de bonheur que je perpétue.
Le personnage d’Antoine vous raconte mes souvenirs de jeunesse, vous plonge dans les années 60 et 70, vous parle des liens familiaux puissants qui se créaient et de la manière dont nous affrontions les difficultés et les drames.
Plusieurs des mauvais coups d’Antoine et des expériences qu’il a vécues découlent de mon histoire personnelle. Je me suis assuré de romancer le tout et vous éprouverez de la difficulté à départager le vrai du faux. Mais sachez que le point de départ repose sur mes souvenirs de l’accident, et que la Voix m’a parlé (une seule fois).
Je suis un scientifique de formation. Je trouve cela quand même étrange de vous raconter que la Voix m’a parlé.
Si je voulais rationaliser, je pourrais dire qu’il ne s’agissait que de mon imagination. Mais encore, il faut admettre que mon imagination souleva mes jambes de terre et me sauva la vie.
Peu importe, grâce à Stephen King, je suis retourné dans le passé et la question que je me suis posée à donner ce livre.
J’ai eu un plaisir fou à l’écrire. Ce que j’ignore en revanche, y aura-t-il une suite ? Je n’ai pas couvert toute la vie d’Antoine et des personnes qui partagent sa vie. À la fin du livre, j’ai fermé la porte à un deuxième tome. Mais l’ai-je vraiment fait ?
Et si je vous demandais, chers lecteurs et chères lectrices : « Devrait-il y avoir une suite ? »
N’hésitez pas à m’écrire un commentaire pour me dire ce que vous en pensez. Au moment où j’écris, j’ignore quelle direction je donnerais à un deuxième livre. Mon cerveau est occupé par d’autres projets. J’attends le montage du tome 6 de la série Inspecteur Paranormal pour en effectuer la correction finale, et j’entreprends l’écriture d’un nouveau roman intitulé : L’Immortel.
J’attendrai donc vos commentaires et déciderai à la lumière de ceux-ci s’il y aura une suite à Le Prophète.
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